Courtes lignes... (+ PLUS)

Cluedo Urbain...

C’était un mercredi après midi paisible et ensoleillé au jardin des Plantes. Une journée banale qui fleurait bon le bonheur simple et la joie de vivre sans nuage.




Le petit Teddy, blondinet gamin de neuf ans pilotait son avion télécommandé avec application dans l’une des allées ombragées du parc. Après plusieurs loopings loupés en basse voltige au ras des tiges en révolte, la maquette motorisée d’aéroplane se dirige avec détermination vers le gardien du parc qui vient de faire son apparition avec brouette et râteau. Les mains du gamin se crispe sur les commandes du boitier, l’accident semble inéluctable entre le manuel herboriste et l’automatique rase maquette quand providentielle victime : un pigeon s’interpose en faisant don de ses plumes à l’aviation motorisée ! La trogne d’ivrogne du roupilleur de tronc est sauvée ! …Au grand dam du vilain morpion en échec et moite.
Du coup la brouette peut cheminer tranquillement en croisant les petits pas perdus de la vénérable madame Tirelaridelle ; nonagénaire de profession qui malgré le beau temps s’est équipée d’un parapluie coquelicot du meilleur effet. La voila sur la route de la délicieuse madame Pinson jeune maman qui pousse avec délectation un berceau immaculé dans lequel dort à poing fermé sa progéniture toute neuve. Trois générations vont se croiser entre premier âge et hors d’âge, en large le long de la sente savamment entretenue. Au moment ou la vieille dame est au niveau de la juvénile maman, elle trébuche et la pointe effilée de son parapluie prend dangereusement la direction de la poitrine gonflée de lait maternelle. Miss Pinson réussit un pivot au frein à main dans la chicane pour éviter la collision et hop ! le parapluie se fiche dans le pneu de la poussette qui se dégonfle dans un « pffff… » blasé et découragé. Heureusement le pire a été évité, soupire la vieille qui du coup se remet en veille. Mais la poussette conduite tant bien que mal par la pilote de bébé poursuit sa course vers le bassin devant lequel monsieur Plombite est penché pour donner du pain raciste aux canards. Monsieur Plombite, récent retraité des chemins de fier est sourd des genoux et paralysé d’une oreille, aussi n’entend-t-il pas le bolide de crèche débouler dans son dos…Une fois encore, la mort rôde dans le coin coin. Si ce n’est le chien batard du gardien qui poursuit la chatte salope de la pervenche du quartier pour lui faire sa fête en estafette. Le molosse grassouillet prête mol os d’un flanc flan à la roue percée de la poussette qui du coup s’arrête net, épargnant au pauvre Plombite une tête dans le bassin, lui qui ne sait nager qu’en eau trouble…
Miss pinson est en colère, le bébé est réveillé. Elle n’aime pas ça. Lui non plus.
Sur un banc deux allées plus loin, Monsieur Michel attend mademoiselle jeanne , sa maîtresse plus collante qu’un mouchoir usagé (ce papier dans lequel tu mouches). Comme elle n’aime pas les bonbons, bon ; il lui a apporté des fleurs même si c’est plus périssable… des pensées, afin de ne pas l’oublier. Mais Jeanne est en retard, alors Michel s’en va le bras dessous déçu, oubliant ses fleurs sur le banc…Aussitôt butinées par une dizaine d’abeilles en mal de pollen. Qui tombent illico foudroyées mortes au pied des tiges coupées !
Pas le temps de respirer dans ce parc d’attraction morbide. Voila Francky les grandes oreilles qui aperçoit Jojo l’Edenté à l’(entrée d’un bosquet. Ca sent le duel dans la poussière ! le premier tient serré son couteau de cuisine interne tandis que le second ce gond ; empogne dans sa poche son flingue grand délire…dans quelques secondes, ce sera règlement de cons en chorale de hoquets.
Les voici enfin en face en fils de but à atteindre. Ca va crosser là ou ça saigne. Francky dégaine son schlass et sans hésitation le pointe dans les abdominables en beurre de son ennemi juré. Ca fait Couic ! Et rien du tout…C’est un couteau en plastique de dinette à sa petite sœur ! pour toute réponse, Jojo sort son Gun et tire sur son frère de haine. Ca fait Plop ! et pas mieux…C’est le colt à bouchon de son petit frère ! Rouge de honte cerise, les deux apprentis abrutis se séparent sans un mot en espérant que nul témoin lumineux n’est éclairé cette scène inférieure.
Ainsi s’écoule l’après midi, émaillée de faits divers avortés. Dans la rue agaçante d’être adjacente c’est l’égoutier distrait qui oublie sciemment de replacer la plaque d’égout alors que monsieur Dupont sort du rang…Mais à deux pas de la dégringolade, le dit Dupont aperçoit Duval sur l’autre rive de la rue et décide de traverser pour le saluer.
Un peu plus tard, à peine sortie du plumard c’est Edith Lepas qui d’un coude maladroit mais volontaire dégauchit un pot de fleur du haut du quatrième étage en direction du crâne offert de sa voisine de palier qui passe dessous à l’instant 15 mètres plus bas. Mais le voisin du premier, en ouvrant ses volets à la volée dévie le projectile fleuri sur la pelouse verdoyante en sauvant l’infortunée d’un mal de crâne définitif.
Il est dit que cette journée se finira comme elle a commencée, sans rien à signaler de spécial ni de spatial.
C’est alors que…
Monsieur Albert Pulasse ; le flic des flaques du quartier, un peu trop imbibé de floc, pour rentrer plus rapidement chez lui se faire engueuler par sa matrone, décide de prendre l’autobus…En pleine cantine ! Il a confondu lors d’un moment d’égarement le passage piéton avec un barrage de police.
Le car des tiers le coupe à demi en une fraction de seconde…Le malheureux est tué sur le coup de trop ce qui évite une marche arrière toujours délicate au transport en commun des mortels pour achever de le finir.
Aussitôt un attroupement de curieux furieux ou de badauds badins se forme autour du funeste accident. Triomphalement le chauffeur du véhicule meurtrier ouvre sa porte et descend en gant de hareng, haranguant la foule :
--- C’est moi ! C’est moi qui ai gagné ! C’est moi qui l’ai ! C’est moi qui l’ai eu !
Et de brandir victorieusement une enveloppe blanche sans tache qu’il décachète pour lire le contenu d’un simple feuillet ainsi effeuillé :
--- Albert Pulasse le policier, écrasé par l’autobus dans la Rue Leblond !
Et de montrer pour démontrer, les trois cartes accompagnant le message…le lieu, l’arme et la victime !
Un murmure admiratif et envieux se fait entendre et étendre autour de lui.
Pas de doute ! C’est bien Raymond Robert, le chauffeur du bus de ligne, le grand vainqueur du jour au Cluedo Urbain…
Vivement demain, pour une nouvelle journée de jeu !


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