C’est l’étrange histoire d’une légère petite feuille

Bout de papier vierge qui ne voulait pas plier !

Mais là voilà qui d’un coup de vent fait le deuil

De cette branche de peuplier qui l’avait abrité !

D’un souffle là voici sur la route ou elle croise compère de ciseaux

Fines lames à rasoir et sec acteur de longs couteaux jumeaux !

Sans larmes ni remords, la double mâchoire appâtée et affamée

Lui fend le corps d’un coup, pourfend son cœur une fois refermée !



Et le compas coupant, sans compassion de poursuivre chemin

Après avoir lacéré en le serrant dans ses bras aiguisés, parchemin !

Pourtant à son tour, il rencontre un os sous la forme d’un caillou,

Une pierre obtuse aux angles aigus qui le compile et le plie à genoux !



Sans pitié, elle martèle et s’entête, cruelle elle s’acharne sur le métal

Brisant au final en deux morceaux égaux, l’ancienne arme fatale !

Alors le caillou de repartir, la pierre de se rouler dans la mousse

Avant de se heurter brutalement au pied d’un puît s’une secousse !



La ronde bouche goulue engloutit la rocheuse gourmandise !

Source sans fond d’une eau profonde où se noie le silex acéré,

Avalé dans les abîmes du trou noir, coulant sans aucune prise

Digéré par le boyau lisse dans les abysses du liquide enterré !



Mais c’est sans compter sur le papier martyrisé, plein de ressource

Qui courageusement a rassemblé son recto effeuillé dans les airs

Afin d étouffer de son verso le rond béant du puît sang de source

En se posant délicatement pour couvrir son froid rebord de pierre !



Moralité ; ce n’est point le plus frêle ni le plus fragile

Qui est forcément le moins fort ou le moins résistant

Car il faut savoir qu’une feuille semblant être unité pile

Est toujours constituée d’une double face au demeurant !



Depuis, l’avide puit sans fond a été définitivement rebouché

Les cruels ciseaux rabibochés en hôpital, servent à opérer

Le vil pou caillou est devenu pierre précieuse au musée

Et la feuille noire d’écriture, cette histoire m’a soufflée !