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LA MANIF...FIQUE !


C’était beau et émouvant comme un arc-en-ciel dont la palette aurait été dupliquée par cent, par mille. Pour une fois toutes les couleurs du temps et leurs demi teintes de saison étaient représentées. Pour une fois, nous étions tous entièrement d’accord pour être complètement contre !
Donc, acte. Une manifestation de mécontentement et de colère dans la joie et la bonne humeur. Une manifestive, quoi !

Le cortège bigarré avait bien du mal à s’ébranler tant nous étions nombreux et beaucoup plus encore. Près de cent mille unités formant une seule et même entité. La tête avait déjà franchi le Pont Corneille enjambant la Seine consentante et passive en direction de la rive droite que la queue continuait d’enfler et de se dilater pour s’étirer jusqu’au Centre Saint Sever. A cette allure et vu l’importance de la mobilisation, les premières banderoles seraient déjà revenues au point de départ que les dernières pas encore parties ne seraient même pas dépliées !
Allez ! Haut les cœurs ! Cette fois c’est parti !
Au pas de charge. Enfin, disons plutôt que la charge se fait au pas…
Les premiers mètres parcourus, les premiers slogans sont vivement scandés comme autant de chants de bataille.
Et c’est là que ça se gâte…Car finalement, comme à chaque fois qu’on tire à vue, on finit par toucher quelqu’un d’innocent. Alors ça commence par les rouges Cerise qui entonnent noirs : « Les bleus sont des bœufs ! Les violets des veaux laids ! Z’ont mal voté ! Se sont vautrés ! »
Pif ! Paf ! (il n’y a pas de pouf sur ce boulevard)
Instantanément, les bleus d’inutile haine, se transforment en bœufs sans attelage, et les violets impérieux deviennent des veaux dévots ! Et ce troupeau azur de meugler de mécontentement.
Les roses crémières, hilares en remettent une couche culottée en apercevant sur le bord de la route les forces de pelisse mobilisées : « Mors aux Vaches ! »
Bang ! Le gang en uniforme se mue illico en brouteuses de chlorophylle sur le tribord de l’avenue. Curieusement, cela met meuh…
Mais les Jaunes d’ample mousse, ne goûtent que modérément la scabreuse plaisanterie. A leur tour ils contrattaquent : « Les rouges urnent comme des chèvres ! Les Roses suivent comme des moutons ! »
Bardi ! Barda !
Voilà aussitôt les premiers transformé en proie pour légionnaire en rut et les seconds qui frisent le ridicule à perdre la laine…
Ca fait carrément désordre dans le paysage urbain. On se dirige tout droit vers la transhumance pastorale !
Ne voulant pas être en reste, les Marrons Chauds s’y collent et caracolent d’entête : « Les Verts missel réfléchissent comme des ânes ! ». En ping pong ces derniers ont juste le temps de rétorquer : « Les Marrons pensent comme des porcs ! »
Boum ! Badaboum !
Voici hôtes truies en arrière train d’invectiver bourricots et autres têtes de mules !
Et comme si tout ceci ne se suffisait pas à soi-même, les Oranges sanguines prennent à parti les Indigos dingos : « Poules mouillées ! Vous pratiquez la politique de l’autruche ! »
Bingo !
Le temps de placer le point d’exclamation et les gallinacés effarouchés s’introduisent la tête dans la fente des plaques d’égout, et quand elles relèvent la crête, elles arborent un lourd collier de fonte.
Alors ça part de tous les côtés en même temps ! C’est la gabegie ! Entre Basse-cour de récréation et zoo zozo, ménagerie en folie et bestiaire de vestiaire !
Rapidement, je suis entouré de la bouche, cernés des yeux, par ; des vipères sifflantes et des chameaux défendant big boss, des singes grimaçants et des cygnes avant coureurs, des pies jacassant et des perroquets rabâchant leurs dires, des merles moqueurs et des canards colporteurs de cancans, des chacals et des hyènes, une bécasse manœuvrant un troupeau d’éléphants, un petit paon sans talent et des vers rampants, des taupes modèles et des crocodiles de sac à main, des poux, des cafards, des cloportes et autres parasites d’antenne, des dragons de papier, des monstres à gousset, des morses laids et des phoques en youyou, des, des, des…
Et moi, et moi, émoi ?
Que et qui suis-je dans cette arche de « no way » ?
Leur berger…en nuisette… ?
--- Dom ?
---…Hein ?...Heu…Un berger ! Non, heu…Une anisette !
--- Hé, Dom ! Ca va bien ? On n’a plus le temps de prendre la rincette, la ! Tu t’es endormi mon pote, il faut qu’on rejoigne le cortège, la manif va démarrer !
Je me secoue et m’ébroue pour m’arracher aux limbes du brouillard persistant et nauséeux.
Et je découvre, une fois les stores de mes paupières relevés, le Dominique à la terrasse d’un café, en compagnie de camarades militants, un Dominique qui s’est assoupi en pliant bagage intellectuel sous le joug d’un rayon de soleil en coup de bambou.
Quel drôle de rêve…prémonitoire ou redondant… ?
Serait-il vrai qu’à chaque fois que l’homme se fait animal…Il devient seulement bête !
Mais non, Manon !
Ce vil cauchemar qui discrédite la noble cause de la rue n’est finalement que le résultat d’un maraboutage Bling bling fomenté par un figaro sans humanité. Un nain de jardin suspendu qui m’a jeté un mauvais sort. Dans son palais déguisé, cet illusionniste de pacotille, cet agitateur de presse-tige, ce gnome du néant d’étal a cherché à corrompre mon esprit pendant ce court graillon de sommeil…
Car quelques instants plus tard, au cour accorte de la manif, je croise :
Une magnifique vieille dame d’un autre âge si belle malgré du temps l’outrage. Elle défile sans se défiler dans un fauteuil roulant poussé par son petit fils, ado si fier d’elle à côté de sa jeune mère déterminée. Ils sont grands tous les trois, triple génération dont le cœur bat à l’unisson en un même souffle de juste révolte.
Ils entraînent dans leur sillage tant de mamans alertes avec des poussettes pleines de bébés gazouillants, de bambins joyeux qui dansent dans les jupes volantes de leur douce mère.
Et puis aussi, des ouvriers si nobles avec leurs rides en cicatrices et leurs gueules cassées. Des travailleurs de l’ombre qui se salissent les pognes dans le privé en public ou dans le public sans se priver.
Des femmes et des hommes de peu qui paient d’une vie de labeur le beurre destiné à la crème.
Et puis des handicapés moteur qui viennent offrir leur dernière goutte d’aisance par à coups de béquilles. Des vieillards chenus tordus comme des branches torturées, arbres à canne qui refusent de plier le genou !
Et puis aussi surtout, pleins de jeunes pousses qui puisent en ce lieu de rendez-vous itinérant l’espoir d’un avenir enfin meilleur qui mette fin au cirque osé…
Alors il y a des sourires qui chassent les soupirs. De la complicité sous forme de solidarité. Il y a de la fraternité en toute légalité et de l’égalité en totale liberté.
Merdalor ! Que j’aime cette rue grouillante de sympathie, joyeuse mais rigoureuse, rieuse mais sérieuse, gaie et ferme toute à la fois.
C’est pourquoi quelques heures plus tard après avoir manifesté et par manie fesser, je repars seul en battant une ultime fois le pavé pour une fois accroché à la chaussée. Grâce à tous ses gens inconnus, ces personnes sans importance mais pourtant essentielles ; je me sens cent mille fois meilleur…
Lorsque le peuple descend dans la rue avec noblesse et dignité…
Putain, qu’est-ce qu’il est beau !!!

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  1. http://info.fr.e-servicis.com/100702/actualite-manifestation-politique-syndicat-colere-acte-accord
Suggestion de mots-clefs : seine maniffique ; pif se destine à un avenir plus noble. ; PLAISIRS DES CHEVRES BROUTEUSES ;
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